Nouvelle grande secousse à enregistrer dans l’interminable formation du gouvernement bruxellois. Après des mois d’impasse et un record de vacance du pouvoir, Yvan Verougstraete, président des Engagés, a décidé de tenter l’impossible : bâtir une coalition sans la MR, formation pourtant victorieuse du scrutin francophone dans la capitale. Une initiative qui provoque la fureur de Georges-Louis Bouchez et suscite, côté flamand, un scepticisme franc du président de l’Open VLD, Frédéric De Gucht.
M. Verougstraete avait récemment accordé dix jours supplémentaires aux libéraux francophones pour relancer les discussions. Sans résultat. Il estime désormais qu’il ne reste qu’une option : une tentative de centre-gauche réunissant PS, Ecolo et Défi côté francophone, et Vooruit, CD&V et Groen côté néerlandophone. Un attelage arithmétiquement fragile : 36 sièges sur 72 pour les premiers, 7 sur 17 pour les seconds. Pour compléter l’équation, Les Engagés visent le soutien de deux députés indépendants francophones et, espèrent-ils, un ralliement d’Open VLD — très incertain. À défaut, les trois élus du parti de Fouad Ahidar pourraient servir d’appoint externe.
Dans une “Lettre aux Bruxellois” parue ce jour, Yvan Verougstraete reconnaît le caractère osé de son pari – et sa certaine faiblesse structurelle, mais pose ses conditions : une trajectoire budgétaire drastique, « plus d’un milliard d’euros d’économies », et une équipe qui ne ferait pas de la résistance au fédéral sa raison d’être. Il récuse par ailleurs toute ambition personnelle : « Je n’ai aucune volonté de jouer un rôle central. Que celui ou celle qui a une meilleure solution la propose. »
Pour Bouchez, une trahison
Cette offensive est vécue comme une trahison par le président du MR. Mis sur la touche alors que sa formation avait mené les premières négociations, le président libéral juge la démarche « humiliante » : « On ne peut pas écarter le vainqueur des élections. Et reconstruire Bruxelles en rassemblant ceux qui l’ont menée à la faillite. » Il prévient que l’onde de choc atteindra les exécutifs wallons et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, où MR et Les Engagés gouvernent ensemble : « Nous allons désormais en freelance. »
À ce tumulte s’ajoute la réserve de De Gucht, pour qui rien ne permet d’imaginer un accord budgétaire là où même la présence de la MR n’avait pas suffi.
À gauche, en revanche, l’initiative est saluée. Le PS se dit prêt à travailler « de manière constructive » pour sortir Bruxelles de l’ornière, et Groen salue « un pas nécessaire », tout en réaffirmant sa préférence pour une majorité incluant Open VLD, Vooruit et CD&V.
Reste à voir si cette coalition minoritaire en gestation pourra réellement prendre forme ou si elle ne constitue qu’une tentative de plus dans un feuilleton politique qui semble sans fin.
La rédaction, avec Maxence Dozin
(BELGA PHOTO VIRGINIE LEFOUR)