Dans La gauche antisémite – une haine qui vient de loin (Éditions L’Artilleur), Clément Weill-Raynal plonge dans deux siècles d’histoire politique et idéologique pour éclairer un tabou : l’antisémitisme à gauche. Du marxisme originel aux postures antisionistes contemporaines, il décortique cette haine métamorphosée que certains refusent encore de nommer. Entretien.
21News : Je commencerais par la fin de votre ouvrage : Karl Marx. Protestant mais petit-fils de rabbin, Marx attribue une bonne partie des tares du capitalisme aux Juifs. Vous publiez des extraits terribles dignes de la presse collaborationniste des années 30. Pensez-vous que l’antisémitisme larvé qu’on retrouve dans les cénacles d’extrême gauche et même de gauche (presse, LFI, syndicats, milieu associatif) vient de là ?
Clément Weill-Raynal : Il ne vient pas uniquement de ces obscurs tréfonds de la pensée marxiste. Mais cet antisémitisme de Karl Marx joue incontestablement un rôle. La thèse que je développe tout au long de mon livre, c’est qu’à toutes les époques, la gauche a su réadapter son discours anti-juif aux idées et aux circonstances du moment.
« Cet antisémitisme de gauche est une sorte de virus mutant, capable de se réadapter aux idées et circonstances du moment. »
Pour en revenir à Marx, il est très clair qu’il assimile de manière obsessionnelle et irrationnelle les Juifs à l’argent. Un argent auquel il prête volontiers un pouvoir diabolique, au moins dans le cadre de la société capitaliste dont il prophétise la disparition. Son raisonnement est le suivant : supprimez le capitalisme, les Juifs disparaîtront d’eux-mêmes, presque par enchantement, puisqu’ils auront perdu leur raison d’être. Au passage, cela explique la fureur de l’antisémitisme soviétique, des décennies plus tard. Malgré l’instauration du paradis socialiste, les Juifs étaient toujours là.
La grande falsification historique de la gauche
21News : À vous lire, on a l’impression qu’une partie de la gauche a toujours été antisémite (d’ailleurs vous sous-titrez : « une haine qui vient de loin »). Comment a-t-elle pu le cacher de la sorte et accabler sans cesse la droite et l’extrême-droite ? Encore récemment, Le Monde excusait l’antisémitisme de gauche face au seul antisémitisme dicible : celui d’extrême-droite…
C.W-R. : Cette gauche a un talent qui lui est propre, celui de la réécriture de l’histoire à son profit. Elle a su faire avaler l’idée qu’elle avait été irréprochable sous l’Affaire Dreyfus (ce qui est faux), que ses penseurs, pères fondateurs du socialisme français étaient de grands humanistes donc exempts de toute pensée antisémite (ce qui est archi-faux).
Dans la grande galerie des falsifications historiques, vous avez également la résistance du PCF sous l’occupation (sa période pro-nazie est longtemps passée aux oubliettes) et le silence concernant l’antisémitisme stalinien.
Cette capacité à travestir la réalité historique n’est pas limitée à la question des Juifs et d’Israël. La gauche a très bien mis en œuvre les théories d’Antonio Gramsci qui avait postulé que la conquête du pouvoir passe par celle de l’opinion publique, y compris sur le terrain culturel. Cette gauche totalitaire a toujours mieux su mobiliser les artistes, les enseignants, la presse, les relais d’opinion pour idolâtrer Staline, Pol Pot, Fidel Castro et tant d’autres. Elle n’admet jamais ses erreurs et ses errements et s’ingénie à les faire oublier. Ce sont ces mêmes mécanismes qu’elle a mis en œuvre pour accabler les Juifs et, aujourd’hui, Israël.
21News : Vous consacrez d’ailleurs tout un chapitre au quotidien Le Monde et sa « détestation d’Israël ». On sait que plusieurs journalistes en charge du dossier proche-oriental sont des antisionistes patentés et même maritalement liés à la Palestine. Mais vous faites remonter le prisme anti-israélien du Monde à ses débuts, avec Hubert Beuve-Méry, son fondateur. Diriez-vous que Beuve-Méry était antisémite ?
Abonnez-vous pour lire l'article en entier.
Apportez votre soutien à la rédaction de 21News en souscrivant à notre contenu premium.