À Berlin, la question revient désormais comme un leitmotiv, alimentée par la volonté affichée du chancelier Friedrich Merz de hisser la Bundeswehr au rang d’« armée conventionnelle la plus puissante d’Europe ». Une ambition martelée dans un contexte continental marqué par la montée des tensions et la peur, désormais ouverte, d’un affrontement avec la Russie. Mais l’écart entre les intentions politiques et la réalité militaire demeure profond.
Depuis plusieurs mois, l’Allemagne vit au rythme d’une transformation accélérée de son appareil de défense. Dans les rues de nombreuses villes, des lycéens protestent contre la réforme du service militaire tandis qu’au Bundestag, les députés adoptent de justesse ce même dispositif refondu. La loi, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2026, inscrit noir sur blanc ce qui constitue le nouveau credo stratégique allemand : face à « l’aggravation massive de la menace » née de la guerre en Ukraine, la République fédérale doit reconstituer ce qu’elle n’aurait peut-être jamais dû abandonner, à savoir une véritable force de dissuasion crédible.
Ce tournant intervient au moment où la Bundeswehr fête ses soixante-dix ans, avec un bilan contrasté. Créée en 1955, elle avait atteint son apogée au moment de la réunification, en 1990, avec plus de 500.000 militaires, avant de connaître une lente érosion. L’abandon du service militaire en 2011, décidé au nom de l’austérité et de la croyance naïve en une paix européenne durable, hante aujourd’hui de nombreux anciens responsables. Beaucoup reconnaissent s’être trompés en privant l’armée de ses capacités territoriales et en héritant d’une force devenue surtout expéditionnaire, peu apte à défendre son propre sol.
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