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Tribune publique pour un jihadiste sur la RTBF : pourquoi ? (Carte blanche)

par Contribution Externe

Une carte blanche de Melissa Amirkhizy, conseillère communale MR à Ganshoren

Peut-on transformer tranquillement un condamné pour projet d’attentat en protagoniste médiatique, voire en figure tragique, sans trahir la mission du service public ? C’est pourtant le choix qu’a fait la RTBF en consacrant une émission à Nizar Trabelsi (photo), ex-footballeur devenu djihadiste, condamné pour avoir voulu frapper une base militaire belge/OTAN. Que l’on documente son parcours terroriste, soit. Mais qu’on lui offre une narration quasi romanesque, pose une question essentielle : où s’arrête l’information et où commence la fabrication du mythe ?

Nizar Trabelsi a obtenu 350.000 € d’indemnité. Aujourd’hui, il se voit offrir une tribune nationale. Cette séquence complète interroge : quel message un média public pense-t-il transmettre en offrant la lumière à un condamné pour projet d’attentat ?

C’est choquant de voir une tribune offerte à un djihadiste condamné tandis que, dans le même temps, on réduit au silence ceux qui dénoncent et combattent précisément cette idéologie.

Ceux qui connaissent la ligne éditoriale de la RTBF ne tomberont pas de leur chaise. Lorsqu’une personnalité marquée à droite prend la parole, la machine se met en route : le cadre moral, la mise en garde, la contradiction forcée, le soupçon permanent et, parfois, la censure pure et simple. Pourtant, lorsqu’il s’agit de Trabelsi, ou lorsqu’il s’agissait de Qassem Soleimani, dont le rôle dans la répression et la violence régionale est incontestable, le ton change brusquement. La nuance devient priorité, l’humanité est mise en avant, le récit s’adoucit, et la mémoire des victimes disparaît comme si elle encombrait le cadre.

Cette asymétrie ne s’explique plus. Elle finit par se ressentir comme un choix : certains ont droit au soupçon, d’autres à la sympathie. Certains sont immédiatement qualifiés de dangereux, d’autres sont rendus complexes, sensibles, presque dignes de compassion. Et pendant que l’on magnifie des parcours violents, les combats démocratiques réels, eux, restent dans l’ombre. Où sont les femmes iraniennes emprisonnées, torturées, pendues pour avoir demandé la liberté ? Où sont les étudiants, les journalistes, les dissidents qui risquent leur vie face au même système idéologique que Trabelsi a servi ? Aucune émission spéciale, aucun récit empathique, aucune soirée dédiée à celles et ceux qui ont perdu tout, sauf la dignité.

Invoquer la liberté d’expression pour justifier cette exposition médiatique ne suffit plus. La liberté d’expression n’est pas l’égalité d’antenne. Elle n’oblige aucun média public à dérouler la scène à un homme condamné pour projet d’attentat ni à le placer au cœur d’un récit presque rédempteur. Donner la parole n’est pas toujours problématique. Donner l’antenne, le dispositif, l’humanisation et la dramaturgie à un condamné pour terrorisme, voilà où commence réellement le problème. Car une telle visibilité n’est pas un geste technique : c’est une normalisation symbolique, une manière de rendre fréquentable ce qui devrait au minimum rester grave, contextualisé, encadré.

Oui, c’est choquant. Choquant de voir une tribune offerte à un djihadiste condamné tandis que, dans le même temps, on réduit au silence ceux qui dénoncent et combattent précisément cette idéologie. Choquant de voir la sympathie s’organiser du côté de celui qui a projeté la mort, alors que ceux qui refusent la terreur sont relégués, caricaturés, voire disqualifiés. Le résultat est limpide : celui qui a voulu frapper la société devient l’homme à écouter, et ceux qui la protègent deviennent suspects, dérangeants, presque indésirables.

Quel message adresse-t-on à la collectivité lorsque l’on offre caméra, empathie, récit et reconnaissance à un homme condamné pour tentative d’attentat, alors que ceux qui défendent la liberté, la dignité et la sécurité ne sont ni montrés, ni entendus, ni même invités ? Ce n’est pas la liberté d’expression, c’est une hiérarchie morale qui décide de qui mérite d’exister à l’écran et de qui doit s’effacer.

La RTBF peut enquêter, analyser, interroger, et elle doit le faire. Mais elle n’a pas à nous imposer, avec l’argent du contribuable, l’idée qu’un radical islamiste serait la victime de l’histoire et que ceux qui se dressent contre lui seraient les fauteurs de trouble. Une démocratie se fragilise toujours lorsque l’on inverse les rôles, lorsque l’on humanise l’agresseur et que l’on fait taire ceux qui résistent.

Melissa Amirkhizy, conseillère communale MR à Ganshoren

(Photo Belga : Luc Claessen)

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